Jeudi 24-avril-2014, Une très bonne journée de cross

Après une longue journée (travail et badminton avec des collègues), j’arrive à la maison vers 23h. Je suis un peu fatigué mais je n’ai pas encore envie de dormir à cause du sport. Je me mets devant l’ordi et je vois un message de Samuel Manzano sur Facebook qui me demande ce que je vais faire demain. J’avais déjà repéré la bonne journée et prévu de seulement prendre mon après-midi pour voler au Salève. Deux minutes après avoir posté mes intentions, il me renvoie un autre message avec un cross de 208km fait par Julien Serre fait à partir de Passy le 21-avril-2010. Je connaissais le pilote par les Vol & Skis (il organisait les épreuves de St-François-Longchamps et de St-Gervais) et aussi le vol en question qu’il m’avait relaté lors d’une rencontre à la coupe Icare. Après avoir analysé la trace et la météo, je me dis que ça doit être jouable de faire pareil: les dates coïncidentes et le vent est presque nul. A 1h du matin je réponds positivement à la proposition de Sam de décoller tôt à Passy.
Le matin à 7h30, je re-consulte les prévisions météo pour confirmer que la journée est toujours bonne. Après envoyé un mail aux collègues de travail pour signaler mon absence, on se donne donc RDV à 10h au McDo d’Etrembières pour covoiturer ensemble. En route, je reçois un appel d’Alain que je ne connaissais pas. Il me dit que Sam est parti avec Martial et qu’on va se retrouver à Findrol. Je lui dis Ok et vais directement le ramasser au centre du village. On se retrouvera tous à Cheddes où je croise une vieille connaissance, Jacques, qui attend une bonne âme pour le monter au décollage. Ayant la plus grosse voiture, je suis désigné pour monter tout ce beau monde en haut. A 11h30 on est au décollage de Plaine-Joux en train de regarder attentivement comment ceux qui décollent arrivent à sortir pour monter plus haut. Ce n’est pas encore gagné, mais ça devrait le faire. On se prépare doucement et on en profite pour échanger nos numéros de portables. Martial me passera gracieusement son reste de sandwich que je n’ai pas eu le temps d’acheter. J’ai un peu faim et si le vol dure longtemps, il me faudra des calories. Mon ami Jacques me dit qu’il va voler en local et que je peux l’appeler sans autre pour une récup (vive la retraite). Ca me réconforte un peu pour tenter d’aller le plus loin possible.

Au déco de Passy-Plain-Joux avec Sam

Au déco de Passy-Plain-Joux avec Sam

A 12h on est tous prêt à partir. Je décolle le premier et arrive à profiter immédiatement du thermique devant le décollage pour rejoindre le relief derrière. En 15 minutes je suis au plaf à 2350m sous la tête du Colonney (2692m). Le plaf n’est pas extraordinaire, et je sens qu’il faudra se battre pour monter. J’entame la transition vers les Quatres-Têtes en l’annonçant à la radio. A mi-chemin je hésite de changer de direction vers la montagne de Cordon. Je regarde sous mes pieds les risées des lacs de Sallanches pour confirmer que la brise ne s’est pas encore installée. Ma première intention doit être jouable, j’ai fait la même transition il y’a 15 jours avec deux heures de retard par rapport à aujourd’hui et je me suis fait tarter la gueule sous les Quatre-Têtes. Au moins, ça m’a permis de savoir où le thermique déclenchait. Martial est juste derrière moi et je lui annonce mon choix. Arrivé aux premiers reliefs des Quatres-Têtes mon thermique est bien là et je monte facilement jusqu’au sommet. La plaf n’est toujours pas bien haut et j’avance optimiste et me disant que ça sera meilleur plus loin.

Vue sur le Colonney depuis les Quatre-Têtes

Vue sur le Colonney depuis les Quatre-Têtes

Première erreur: j’avance au ras du relief et je fais du rase-motte à moins de 2 mètres du sol. Si j’avais sorti les pieds du cocon, j’aurais pu toucher la neige encore bien présente ici. Arrivé sur une butte mieux orientée au soleil et au vent, je m’efforce de monter jusqu’au sommet. Ouf ! Premier coup de chaud passé. J’avance plus sereinement et prends quelques photos avant le passage du col des Aravis. Je fais un petit coucou aux skieurs de Balme et voit Martial juste derrière. Il confirmera à la radio que son passage a été moins problématique.

Les Aravis avec les skieurs sur Balme

Les Aravis avec les skieurs sur Balme

Au plaf avant le passage du col des Aravis.

Au plaf avant le passage du col des Aravis.

Je prends un maximum de gaz pour faire le passage du col. A 2800m presque dans le nuage (le max de la journée), j’entame la transition avec Martial et une Delta-2 devant moi. J’en profite pour appuyer sur l’accélérateur et passer sous lui (désolé, c’est l’habitude de la compétition).

Le col des Aravis

Le col des Aravis

Désolé, je suis pressé

Désolé, je suis pressé

A force de frimer avec ma vitesse, je me rends compte que de ressortir au pied de l’Etale n’est pas une mince affaire. Je suis obligé de ratasser à nouveau près du sol. J’opte finalement pour avancer en plaine sinon je vais poser ici sur le plateau. Bon choix, je retrouve un thermique puissant qui me remontera à 2550m d’altitude me permettant d’avancer sur le Charvin. Martial aura le même problème et sera obligé d’avancer plus loin en plaine pour remonter. Il fera demi-tour après ce coup de chaud mais ira quand même se poser au Chable (Verbier) en Suisse 4h plus tard.
La transition sur le Charvin et ensuite la traversée sur d’Ugine vers la dent de Cons est une formalité. J’en profite pour boire une goulée (pas trop quand même sinon gare au pipi) et manger une barre céréale. Ca me fera mon petit dessert après le bout sandwich de Martial que j’ai heureusement mangé sinon je serai en hypoglycémie.

La dent de Cons depuis le Charvin

La dent de Cons depuis le Charvin

La vallée d'Albertville et la dent d'Arclusaz au loin

La vallée d’Albertville et la dent d’Arclusaz au loin

Vue sur le lac d'Annecy depuis la dent de Cons

Vue sur le lac d’Annecy depuis la dent de Cons

Il est déjà 14h et 2h se sont écoulées. J’espère que les faces Est donnent toujours, car toute la transition sur la dent d’Arclusaz se fait en face sud-est. Pour optimiser le basculement de faces, j’opte pour une transition pile sur la crête, comme ça je profite des thermiques des deux côtés. Tout ce passage est un peu « rock and roll » preuve que le basculement va bientôt avoir lieu.
Normalement après mon turnpoint je pourrai basculer complètement côté ouest. Reste à savoir quel point je vais prendre : la Savoyarde ou un peu plus tôt style Montlambert? Je me fixe comme objectif d’entamer le retour à 15h (3h aller + 3h retour = posé à 18h ce qui est pas mal). Je suis content d’arriver à la dent d’Arculsaz où je vois au loin quelques parapentes qui ont décollé de Montlambert. Leur vue me soulage un peu de ma solitude : je vais pouvoir m’inspirer d’eux pour trouver la meilleure ascendance.

Vue sur les parapentes de Montlambert

Vue sur les parapentes de Montlambert

Content de quitter la dent d'Arclusaz

Content de quitter la dent d’Arclusaz

Je quitte la dent d’Arclusaz avec grand plaisir, et prie que le reste du vol sera moins turbulent.
Arrivé sur Montlambert, les autres paras m’aident grandement à trouver la pompe salvatrice. La montée me fait décaler Est, ce qui me conforte à entamer le retour et changer de face. Je regarde le GPS et voit 15h03, pile dans le timing. Allez oust: retour, même si je n’ai pas atteint l’objectif originalement prévu.

J'entame le retour avec une vue sur le Margeriaz

J’entame le retour avec une vue sur le Margeriaz

Le début du retour se passe sans encombre. Les faces ouest sont bien allumées et le parcours est plus familier: Mont Colombier, Mont Julioz, Roc des Bœufs. Je croise du monde en l’air et pour couronner le tout je chope encore Martial à la radio qui a réussi son retour à Passy et va entamer la transition sur Chamonix. On s’encourage mutuellement et on se souhaite bonne chance. Ce sera le dernier crépitement de la radio et je suis surpris par la portée du dernier message (plus de 60km). Je profite du passage au-dessus du Chatelard pour prendre en photo le chalet d’un ami, bien visible à côté de l’église.

Le chalet de mon ami à Chatelard à côté de l'église

Le chalet de mon ami à Chatelard à côté de l’église

Vue sur le Roc des Boeufs depuis le Mont Julioz

Vue sur le Roc des Boeufs depuis le Mont Julioz

Le mont Julioz n’est pas très généreux sous l’ombre des nuages. Je ratasse un peu en attendant que ça s’éclaircisse de nouveau. Ensuite passage sur le Roc de Bœufs qui lui n’hésite pas à rendre sa chaleur accumulée. Je quitte le Roc à 2000m pour attaquer la traversée du lac par le col de la Forclaz.

Le lac d'Annecy depuis le Roc des Boeufs

Le lac d’Annecy depuis le Roc des Boeufs

 

Le déco de Montmin

Le déco de Montmin

Arrivé sur Planfait, il y a un peu de monde en l’air mais les conditions sont assez toniques. J’hésite sur le chemin du retour : Le Lachat de Thônes puis Bargy ou Les Aravis ou encore Parmelan puis Sous-Dine et Andey ? J’opte pour la dernière solution en me disant que je ferai un point au Môle. D’autant plus que les reliefs donnant sur la plaine son plus tranquilles. Je fais donc le plaf au Dents de Lanfon et entame la transition vers le Parmelan ensuite Sous-Dine puis Cou. Celui-ci se fait facilement et je suis persuadé que la remontée sur Andey sera facile.

Sur Cou

Sur Cou

Grave erreur dû au manque de lucidité de fin de vol (déjà plus de 5h dans les pattes). Je ratasse encore une fois en utilisant la stratégie de l’éloignement du relief. Ca paye de nouveau et ça me remotivé à me reconcentrer. On n’est pas loin du but mais il reste 27km jusqu’à l’arrivée ! Je profite de la traversée sur le Môle pour m’hydrater et manger ma dernière barre de céréales. Je la mâche avec délectation, preuve que j’étais en manque de glucides. J’analyse aussi le chemin du retour en regardant Agy et le Chevran. Je ne sais pas si je vais arriver à monter sur les Carroz pour passer sur la tête du Colonney. La remontée au Môle est assez sportive et la brise, bien présente, me décale plein est direction Orchez. Je passe ce relief sans trop m’attarder et vais me coller directement au Chevran.

Le déco d'Agy

Le déco d’Agy

Le Chevran

Le Chevran

Les ascendances sont faiblichonnes et je me demande comment je vais passer la vallée de Magland pour aller sur Passy. De toutes façons les Carroz c’est mort, reste plus qu’à se lancer sur cette vallée de la mort où les brises sont toujours bien présentes l’après-midi. Je repense à la proposition de mon ami Jacques en me disant que si je pose vers Sallanches ça lui fera une petit recup à faire. Eventuellement j’ai mon autre ami Thierry qui habites à Magland. Je lui payerai une bonne bière voir même deux pour l’effort.
J’arrive péniblement à prendre 50m de gaz au-dessus du Chevran et me lance avec un peu d’inquiétude sur Magland. Il est déjà 18h et la brise devrait être moins forte surtout avec le peu d’ascendances qu’il y a au Chevran. Ca se confirme avec une vitesse vent arrière d’environ 50 à 55kmh. Ca nous fait environ 15 à 20kmh de brise, c’est gérable pour poser dans la vallée. Les ascendances le long des reliefs parallèles au vent sont inexploitables: trop couchés et pas assez régulières. Par miracle j’arrive sur une face bien orientée et je remonte dans du laminaire. On se croirait à la dune du Pyla en fin de journée à faire du soaring doux le long des pentes avec une lumière rasante. Je croise un gros rapace qui me regarde incrédule (c’est qui celui-là ?). Au vu de la taille de ses ailes et de son cou dégarni on dirait un vautour. Je ne suis pas assez connaisseur pour confirmer mais je n’ai jamais entendu qu’il y’en avait dans le coin. Je le suis longuement pour profiter de ses indications d’ascendance et me retrouve vite sous la tête du Colonney à enrouler plus du thermique que de la brise. Le GPS m’indique encore 13 de finesse jusqu’au déco de Passy. Je lèche la pente pour profiter de la moindre ascendance et me retrouve avec un 9 de finesse qui devrait suffire pour rentrer au goal. J’espère juste qu’il n’y a pas trop de vent descendant sur les faces à l’ombre. Cap sur Plaine-Joux que je commence à voir en visuel. La finesse au goal baisse indiquant que le goal sera facilement atteint. Quelques virages pour descendre et se mettre face au vent et je sors les jambes engourdies du cocon pour poser. Après presque 7h de vol je me dis que ça serait ballot de faire un crash au but. Encore un brin de concentration et je pose malgré tout sur le cul avec le vent descendant.
Un moment indescriptible de joie m’envahit: Youpi j’y suis arrivé ! Je me détache vite de la sellette et m’empresse de vider ma vessie bien pleine. Mon téléphone a sonné plusieurs fois dans le vol et je m’empresse de voir qui c’est. Sam et Alain ont essayé de m’appeler et je rappelle Sam de suite. Il s’est posé près de Flumet et a galéré pour faire du stop. En 3 heures, il est seulement à Sallanches avec Alain. Je lui propose de vite plier ma voile et de venir les chercher. Finalement on se retrouvera à Bonneville après un dernier stop. Martial se posera au Chable et va se débrouiller pour récupérer sa voiture à Cheddes. Je ramène Alain à Findrol et Sam à Veyrier et je rentre à la maison, content de ma journée.
Encore merci à Sam pour cette initiative et aussi à Martial pour le bout de parcours ensemble et son sandwich.
Merci à ma petite Peak-3 qui s’est montrée très docile et avenante pour trouver la bonne ascendance au bon moment.

Ma merveilleuse petite Peak-3

Ma merveilleuse petite Peak-3

Résultat de la journée: record personnel de distance et de durée battu.

En rentrant à la maison, je regarde de nouveau la trace de Julien Serre et je me dis qu’il a dû avoir une bien meilleure journée que moi. Déco une heure plus tôt, plafs régulièrement à plus de 3000m avec un max à 3300m. Je me console en me disant que j’ai fait le max possible de cette journée.
Voici la trace du jour:
http://www.xcontest.org/world/en/flights/detail:gerardchong/24.4.2014/10:04
160km en triangle plat (138.21 km en triangle FAI, ça rapporte plus de points avec un facteur 1.4 au lieu de 1.2) en 6h46.

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